J’ai bien plus peur d’un criminel à cravate que d’un criminel avec un bandeau rouge
Un nouveau parti souverainiste a fait son apparition cette année. Il s’agit d’Option Nationale, fondé par le député Jean-Martin Aussant. Chez nous, dans Bourassa-Sauvé, c’est Nancy Lavallée qui se présente « au batte » pour défendre les couleurs de son parti.
Photo: Mathieu Breton
Nancy Lavallée, candidate d’Option Nationale dans Bourassa-Sauvé
Intervenante en dépendances, mariée, mère de deux enfants, Nancy Lavallée vit présentement à Laval. « Mais j’ai déjà habité à Montréal-Nord, dans un logement sur Maurice-Duplessis », précise-t-elle. « Au moment où mon mari et moi avons commencé à chercher une maison, nous avons vite vu que nous n’avions pas les moyens d’être propriétaires à Montréal. Je fais donc le chemin chaque jour pour venir y travailler. »
D’ailleurs, elle travaille et s’occupe de ses enfants en même temps qu’elle fait campagne. Pourquoi alors ne pas avoir privilégié une circonscription plus près de chez elle, plutôt que de venir se battre sur un terrain qui vote rouge depuis près de trente ans? « La circonscription où je vis n’étais pas disponible au sein d’Option Nationale. Mais au-delà de ça, je trouve dommage la réputation de Bourassa-Sauvé qui, à mon avis, n’est pas du tout ce qu’on en voit dans le journal. Il se forme peut-être présentement une guerre de gang et, pourtant, je me promène tous les jours dans ce quartier et personne n’est venu me faire peur! Les gens y sont gentils, il y a des familles. Il y a plein de gens qui valent la peine d’être rencontrés à Montréal-Nord et, au lieu de montrer ça, on fait une publicité très néfaste et fausse du quartier. On dirait presque, en fait, que certains ne veulent pas que Montréal-Nord grandisse. Je trouve ça dommage car, personnellement, j’adorerais y habiter à nouveau. »
Le cliché classique sur Montréal-Nord est son association avec les gangs de rue. Un lien qui n’est pas faux. On constate toutefois qu’Option Nationale ne parle pas de gestion du crime organisé, un sujet qui est revenu dans l’attention médiatique avec cet assassinat aux Galeries d’Anjou d’un chef de gang. « Présentement, la vision du parti sur les services sociaux n’a pas été votée en congrès », explique Mme Lavallée. Mais ça ne l’empêche pas de voir la campagne en cours comme une bonne occasion de construire cette plateforme. De rencontre en rencontre, elle prend connaissance des besoins en la matière. « Je crois qu’il faut bâtir cette plateforme en fonction des besoins du milieu, et non pas en fonction de ce que l’on croit que les besoins sont. Je bâtis présentement mon dossier sur le sujet. Tant moi que Jean-Martin Aussant préférons la prévention et la réhabilitation plutôt que la répression. Par prévention, j’entends une prévention qui est précoce! Il faut commencer dès l’enfance, en s’attaquant à l’intimidation à l’école, par exemple. Une telle intervention de première ligne est beaucoup plus efficace qu’une intervention de troisième ligne, où il s’agit de prévenir les méfaits. » Et quand aux personnes un peu plus âgées qui ont déjà les deux pieds dans le milieu criminel? « Il y a toujours de quoi à faire. Mais il est beaucoup plus difficile d’intervenir auprès de jeunes et moins jeunes quand ils ont développé une expérience et un réseau de contacts au sein du crime. Présentement, ces gens n’ont de ressources qu’à partir du moment où ils se retrouvent en centre jeunesse ou en prison. Je veux continuer à croire que tout le monde peut s’en sortir. Mais quand on regarde des cas comme Mom Boucher, des cas qui ont construit leur vie autour du crime, on doit accepter que des gens soient rendus trop loin pour se séparer complètement du milieu criminalisé. »
En 2013, un dossier chaud reviendra sous les feux de la rampe, celui de la mort du jeune Fredy Villanueva. La Ville de Montréal a déposé une requête pour faire censurer du futur rapport d’enquête publique les informations sur le mécanisme de sécurité de l’étui de l’arme à feu des policiers et policières, requête qui sera entendue l’année prochaine. Cette requête est vue par plusieurs comme une tentative de torpillage, surtout alors qu’à l’origine la Ville et le gouvernement s’opposaient vigoureusement à la tenue de l’enquête publique. « Je n’ai jamais compris pourquoi [le gouvernement tenait tant à ce qu’elle n’ait pas lieu] », dit-elle. « Selon moi, personne n’est au-dessus des lois. Oui, des erreurs peuvent survenir, dans la police comme ailleurs, mais assumons-les! Mais le fait de chercher à étouffer l’affaire, c’est questionable. Très questionable, même. Je continue à dire que je ne comprends pas qu’une telle situation ait pu mener au décès du jeune garçon. J’ai bien hâte de lire le rapport final et, de ce qui en sort jusqu’à maintenant, ça ne regarde pas très bien pour les policiers. »
Nancy Lavallée s’est portée candidate dans Bourassa-Sauvé avec, parmi ses objectifs, de combattre cette mauvaise image qui suit l’arrondissement. Qu’est-ce qui peut être fait, selon elle? « Tout simplement de publiciser la vérité », répond-elle sans hésiter. « Montréal-Nord est un secteur multiculturel. Or, ce multiculturalisme est la plus grande richesse du Québec! La population québécoise de souche a beaucoup à apprendre des nouveaux arrivants. D’ailleurs, si leurs diplômes étaient reconnus plus facilement par l’État, les endroits comme Montréal-Nord ne seraient plus si pauvres car ces personnes pourraient enfin travailler librement dans leur domaine respectif! À mes yeux, Montréal-Nord est plein de potentiel. Il faut juste que quelqu’un se lève et dise ouvertement c’est quoi, Montréal-Nord, et invite l’ensemble de la population à découvrir cet arrondissement sous son vrai jour. Il faut parler d’un Montréal-Nord qui est loin d’être un ghetto où règnent les gangs. Personnellement, j’ai bien plus peur d’un criminel à cravate que d’un criminel avec un bandeau rouge. »
Puisqu’on parle de multiculturalisme, la militante péquiste et enseignante de francisation Tania Longpré (qui a d’ailleurs déjà habité à Montréal-Nord) a publié sur le site de La Presse dans lequel elle pointe les capsules vidéos de Jean-Martin Aussant en anglais et en espagnol d’un regard fort péjoratif. Elle soutient que ce geste, qualifié d’ouverture chez Option Nationale, place la langue française dans une position moins importante et donne l’impression que le fardeau de l’apprentissage de la langue de l’autre revient aux francophones. Une méthode qu’elle décrit comme multiculturaliste. N’ayant pas lu ce texte de Mme Longpré, Mme Lavallée ne pouvait lui répliquer directement mais tenait à défendre l’usage de l’anglais et de l’espagnol par son chef. « Il me semble normal de vouloir aller chercher les gens dans la langue qu’ils comprennent le mieux. Oui, la langue française est importante, la loi 101 est importante, mais tant qu’on ne donnera pas des cours de francisation qui ont de l’allure, il faut s’arranger pour rejoindre ces gens! Je défends parfaitement le choix de mon chef de parler d’autres langues, ça démontre justement qu’on ne met pas de côté les gens qui ne sont pas des Québécois de souche. Au contraire, on veut fonder le Québec tout le monde ensemble! »
Le discours d’Option Nationale en matière de question nationale est clair: la souveraineté avant tout, la souveraineté comme nécessité afin de réaliser le reste de la plateforme. Ce nouveau parti amène l’accession à la souveraineté d’une façon à laquelle la population n’a pas été habituée: on va de l’avant avec le rapatriement des lois, impôts et traités avant même la tenue d’un référendum. N’est-ce pas un élément majeur qui pourrait apparaitre comme antidémocratique aux yeux de certaines personnes? « Il va de soi qu’on ne fera pas un pays tout seul dans notre coin, il va falloir que le projet soit accepté par la majorité des Québécois. » insiste la candidate. « Option Nationale compte bien discuter de la souveraineté avec la population et l’entendre. Mais viendra un moment où une décision devra être prise. En partant, si la population porte Option Nationale au pouvoir, elle sait à quoi s’en tenir: elle accepte que le LIT du Québec soit fait dès l’arrivée au pouvoir. En général, les gens comprennent qu’on a les citoyens à coeur. D’ailleurs, l’équipe d’Option Nationale est composée de gens ordinaires, Option Nationale est le parti des gens ordinaires. »
Depuis la fondation du parti, les militants et militantes d’Option Nationale se plaignent souvent d’une faible couverture médiatique, voire d’un boycott venant des médias de masse. Le parti prévoit, dans sa plateforme, la création d’une commission chargée d’évaluer la concentration des médias et faire des recommandations au gouvernement, ce qui expliquerait le présumé boycott par les médias, selon certains membres. Un projet qui, à court terme, se heurterait à la juridiction fédérale du CRTC et du Bureau de la concurrence. « Ne perdons pas de vue que le but premier d’Option Nationale, c’est la souveraineté! », me réplique-t-elle. Quelles seraient les interventions possibles d’un gouvernement dirigé par Option Nationale, si ladite commission identifiait une concentration trop élevée? « On va d’abord voir le résultat de cette commission, mais une fois que le Québec a rapatrié toutes ses lois, il n’y a plus de limite quand aux limitations qu’on choisira d’imposer quant à la propriété d’entreprises médiatiques. Ça vaut pour cette industrie, mais ça vaut aussi pour tous les domaines: un Québec indépendant aura tous les outils pour se prendre en main. »
Note de l’auteur: Dans le cadre des élections québécoises 2012, je réaliserai des entrevues avec plusieurs candidats et candidates dans Bourassa-Sauvé. Nancy Lavallée fut la première à se soumettre à l’exercise mais restez à l’affût car il y en aura d’autres!