L’édition du 16 avril dernier du Guide de Montréal-Nord annonçait la venue de changements dans le contenu qui nous serait présenté. En effet, la directrice générale du journal hebdomadaire, Véronique Gauthier, signait un bref texte laissant entendre que le propriétaire de la publication, TC Media (le nouveau nom de la division média de Transcontinental), avait décidé d’enraciner ses journaux de quartier encore plus dans ce parasite qu’est la convergence des médias. Mais à quoi s’attendre de l’édition qui nous sera livrée le 21 mai prochain et des suivantes?
Photo: Pierre-Luc Daoust
Le journal le Guide de Montréal-Nord, propriété de TC Media, verra son contenu journalistique grandement diminuer.
Le texte de Mme Gauthier, basé sur des phrases creuses, est très flou sur la façon choisie par TC Media pour atteindre cet objectif. Mais les artisans et artisanes des journaux du conglomérat, quant à eux et elles, se le sont fait expliquer on ne peut plus clairement et durement: abolition de 11 postes de journalistes sur 23 (dont celui de Claude Giguère, unique journaliste du Guide) sur le territoire de Montréal. Rappelons que celui-ci voit son actualité être partagée entre 22 journaux de TC Media. Il n’y aura donc plus qu’un seul journaliste pour deux journaux.
TC Media a décidé de se tourner plutôt vers les gratuités qui proviennent du public et des organismes. Ses journaux en publient déjà plusieurs et la qualité de la couverture en souffre. En effet, un organisme qui écrit lui-même la couverture de son événement ne traitera pas celui-ci objectivement. Il gonflera la participation, cachera les ratés, voire même peut-être inventera quelques faits pour mieux glorifier le récit. Comme dans les communiqués de presse. C’est pourquoi le rôle du journalisme est essentiel car il assure un point de vue extérieur à l’organisation, un point de vue qui osera être critique lorsque c’est nécessaire. Imaginez l’espace d’un moment que la couverture des témoignages devant la commission Charbonneau est rédigée par les témoins eux-même. Impensable, n’est-ce pas?
Le Presse-Gertrude fut un projet qui mijota beaucoup dans ma tête avant de prendre forme. Je ne m’en suis jamais caché, je suis profondément insatisfait par la couverture faite par les hebdos de quartier, et le Guide n’y fait pas exception. La lecture des peu nombreux textes dispersés parmi trop de publicité nous fait réaliser à quel point des journalistes additionnels feraient du bien. Les textes que ceux-ci écrivent sont d’ailleurs intéressant, bien qu’ils manquent parfois de mordant (surtout en politique, où TC Media semble vouloir rester bien gentil avec le pouvoir), prouvent la valeur et l’intérêt du travail journalistique. TC Media ne veut plus jouer ce rôle de chien de garde? Les citoyens et citoyennes doivent reprendre le flambeau collectivement.
C’est pourquoi, au-delà d’une enième attaque des magnats de la presse contre l’information de qualité, l’attitude anti-journalistique de TC Media doit être vue comme une opportunité. Dans plusieurs secteurs, des médias hyperlocaux apparaissent. À Montréal, c’est bien entendu Rue Masson qui a parti le bal. Depuis, plusieurs en ont fait leur inspiration, dont le Quartier Hochelaga et le Presse-Gertrude. Il est évidemment difficile de concurrencer un empire qui a l’avantage de la livraison dans la boite aux lettres chaque semaine. Bien entendu, si TC Media fait ce choix, c’est qu’il évalue, probablement avec justesse, que la plus grande partie de son lectorat se satisfera de cette nouvelle mouture de ses feuilles de chou. Mais il laissera des gens sur leur faim. Les médias citoyens doivent dès maintenant aller chercher ces gens et profiter du vide pour les convaincre de briser leur habitude.
La décision de TC Media est donc un cadeau aux médias hyperlocaux alternatifs.
Le Presse-Gertrude ne doit pas faire exception. Un survol de la page d’accueil et de la fréquence de publication montre bien que son décollage est encore à faire. Un succès ne peut être atteint seul. Appropriez-vous ce média. Impliquez-vous. Tant de choses se passent dans notre arrondissement et ne demandent qu’à être racontées. Alors ensemble racontons-les avec, tatouée sur le coeur, le rêve d’un média d’information de qualité.
Faites le saut.
Pierre-Luc Daoust
Rédacteur et fondateur du Presse-Gertrude.