Lundi s’est déroulé un drame sous les yeux des usagers du métro new-yorkais. En effet, un individu a poussé un autre usager sur une voie dans la station de la 49e rue. 22 secondes plus tard, le train, sans pitié, censura ses appels à l’aide.
Pourquoi est-ce que je vous en parle ici? Sur le quai se trouvait le photographe pigiste Umar Abbassi. Il réussit à prendre une photo de l’homme en détresse alors que le train arrivait à quelques mètres de lui. Cette photo fut ensuite publiée à la Une du journal New York Post.
Nul besoin de vous dire que cette Une a choqué beaucoup de gens. M. Abbassi est critiqué de toute part, pointé du doigt pour avoir préféré photographier l’horreur plutôt que d’aider la victime. Cette accusation n’est pas sans rappeler l’interminable débat sur la photographie de guerre, où s’affrontent les accusations de sensationnalisme et l’intérêt public.
Suite à la publication de la photo, M. Abbassi s’est défendu sur les ondes de la chaine NBC, soutenant qu’il était beaucoup trop loin pour pouvoir intervenir à temps et qu’il voulait avant tout utiliser son flash pour alerter l’opérateur de la rame de métro et lui faire voir la victime. Est-ce que ces explications sont vraisemblables? La première, oui; la seconde, dur à dire. La photo en Une du journal, contrairement aux autres publiées (notamment celle-ci), est d’ailleurs trop bien cadrée pour une photo prise à bout de bras, ça n’aide pas à balayer mon scepticisme. Mais puisque le témoignage du photographe et ses photos sont les seuls éléments disponibles pour se faire une idée, je laisserai cette question en suspens. J’aimerais bien, toutefois, que les images des caméras de surveillance du quai soient rendues publiques. Mon petit doigt me dit que les médias concurrents du N.Y. Post sont déjà là-dessus.
Mais je ne me retiendrai pas de lancer la pierre à Umar Abbassi pour autant. Tout d’abord car, même s’il dit vrai en soulignant qu’il n’a pas la force physique requise pour sortir un adulte de cette position, il aurait pu tenter de motiver les autres à se bouger les fesses, en espérant que ce coup de fouet en réveillerait un un deux suffisamment en forme pour un tel sauvetage. Mais aussi, et surtout, car il s’est empressé d’aller vendre ses photos. Il confirme avoir été payé mais dit que ce n’est pas sa décision de publier ou non. Facile à dire, mais on s’entend que lorsqu’un média signe un chèque pour des photos aussi sensationnalistes, on sait très bien que, pour ledit média, c’est un investissement qui devra être rentabilisé. M. Abbassi connaissait très bien la suite des choses. Je suis aussi sidéré que le journal n’ait pas posé le geste éthique qu’aurait été de revirer de bord M. Abbassi. Et, bien sûr, c’est sans compter la honte que je ressens en tant qu’être humain quand je pense à tous ces voyageurs qui sont restés les bras croisés alors qu’un homme était en détresse.
Rien pour augmenter ma confiance envers l’espèce humaine, disons. J’ai hâte de voir les prochaines nouveautés sur cette histoire, elles risquent de répondre à bien des questions.