Montréal Gaymers: le coeur au jeu, loin des trolls

Gaymers, défilé Fierté LGBTQ 2017

Au dernier défilé de la Fierté, un groupe a attiré mon attention: Gaymers. Depuis, l’envie de les rencontrer me trotte… et c’est maintenant chose faite! Une entrevue qui fut une bouffée d’air frais dans l’univers souvent toxique du jeu vidéo, à lire chez Multijoueur!

Entrevue originale

Jusqu’à dimanche, le Festival de la Fierté anime Montréal et remet à l’avant-plan les enjeux des personnes LGBTQ2. Des circonstances idéales pour se mettre à jour quant à la situation des joueuses et joueurs de la diversité sexuelle. Direction La graine brûlée, un café doté notamment d’un espace de jeux rétro dans le Village gai, pour s’entretenir avec Mike Savoie, cofondateur et président de Montréal Gaymers.

Entrevue.

Mike Savoie, président de Montreal Gaymers, a répondu à nos questions.

Comment ça a commencé, Montréal Gaymers et la Gaymer Zone?

Gaymer Zone a commencé en étant une soirée que j’ai construite avec un ami pour jouer à des jeux vidéos avec d’autres personnes dans un bar. Nous n’en avons fait la promotion que sur Facebook et dès notre premier soir, qui était un mardi, on a eu 150 personnes. À mes yeux c’était évident que j’avais trouvé une niche. C’est devenu un événement hebdomadaire qui se promenait d’établissement en établissement. C’est à l’été 2014, le deuxième de Gaymer Zone, que la communauté a commencé à se construire autour. On s’est rassemblés dans un chalet pour une fin de semaine de camping, on était une trentaine de personnes et des amitiés se sont forgées. On a ensuite participé à un panel de discussion au Comiccon sur la socialisation des jeux vidéo. Puis, il y a 2 ans, on a déménagé nos opérations au Unity pour ensuite créer l’association Montréal Gaymers, qui chapeaute l’événement Gaymer Zone.

Quel impact les activités comme la Gaymer Zone ont sur les membres de la communauté LGBTQ2?

Rassembler. On joue beaucoup à la maison seul avec d’autres gens, mais seul quand même. C’est cet isolement que Montréal Gaymers et la Gaymer Zone visent à éviter. On favorise le rassemblement, le fait de jouer à des jeux ensemble. C’est d’ailleurs la mission de beaucoup d’organismes LGBTQ2, rassembler la communauté et l’amener à sortir de chez elle. Une chose qui revient souvent, c’est le témoignage de gens qui nous confient n’avoir jamais eu d’ami(e) gamer LGBTQ avant de rencontrer le groupe. Aussi, 12 personnes ont fait leur coming-out suite à la participation à nos activités. Les gens développent un sentiment d’appartenance, de la confiance en soi, réalisent que les choses ne vont pas aussi mal qu’elles ne le percevaient. Pour ma part, le moment le plus marquant est la rencontre, dans une de nos soirées, d’une personne qui me raconta être en fuite de chez elle après une tentative d’empoisonnement par ses parents suite à son aveu qu’elle est trans et qui, pour la première fois, se sentait en sécurité. Ça m’a frappé comme un 18 roues. Je l’ai revue deux semaines plus tard pour apprendre qu’elle avait trouvé un logis et un emploi. De mémoire, c’est le plus gros impact qu’on a eu.

Du point de vue de la discrimination au sein de l’univers du jeu vidéo, est-ce que la situation s’améliore?

Ça dépend des communautés et des éditeurs. Si on regarde un peu ce qu’Overwatch a fait récemment, alors que la communauté qui allait pourtant bien s’est mise à devenir un peu plus toxique, l’éditeur a instauré un système d’endossement qui valorise les contributions positives. Depuis, les gens sont plus portés vers une bonne attitude envers les autres. À l’opposé, s’il y a un jeu auquel plus jamais je ne jouerai, c’est League of Legends. C’est une des communautés les plus toxiques que j’ai vu dans ma vie et, en tant que gai, c’est très très lourd. Ce n’est heureusement pas comme ça partout et c’est aussi pour ça que Gaymers existe, pour offrir un espace de jeu sans trolls ni discrimination.

Montréal Gaymers est-il un espace sécuritaire, un «safe space»?

Je fais attention avec le terme «safe space» car, surtout aux États-Unis, il implique une liste de règles assez sévère quant à ce qui peut être dit et fait. Ce n’est pas ce qu’on est. Je dirais plus un «safer space». Maintenant, ça m’est déjà arrivé dans le passé de devoir expulser quelqu’un durant une Gaymer Zone car il ne respectait pas ce «safer space». Je protège beaucoup ma communauté! *rire*

Comment la toxicité se manifeste sur les serveurs de jeux?

Ce n’est pas dans les discussions vocales qu’on la voit, sauf peut-être si un joueur a une voix très aiguë. Là où la toxicité se concrétise, c’est beaucoup par des attaques indirectes en utilisant des insultes homophobes.

Est-ce que le design des personnages et le scénario rend certains jeux plus respectueux des personnes LGBTQ2 et est-ce que ça rend ces jeux plus prisés par la communauté?

C’est certain qu’il y a plusieurs jeux qui offrent une diversité d’identité sexuelle et de genre. Je pense notamment à Dragon Age, Mass Effect et Overwatch, qui sont effectivement prisés par la communauté car ils donnent la possibilité à la joueuse ou au joueur de jouer comme elle ou il se perçoit. C’est toutefois encore très «work-in-progress». Je lisais récemment un article qui parlait de la peur des studios AAA de rendre leurs jeux plus inclusifs par peur de s’aliéner une clientèle plus rétrograde mais plus nombreuse, puis d’un mouvement de développeurs à l’interne de ces studios qui a poussé fort pour créer ces personnages diversifiés afin de rapprocher les jeux de la réalité. En tant que joueur homosexuel, c’est sûr que je me sens beaucoup plus interpellé par ces jeux-là. D’ailleurs, au sein de Montréal Gaymers, on a 59 membres sur 112 qui jouent à Overwatch. C’est notable!

Quelles sont les activités que vous proposez régulièrement?

On fait différentes activités à chaque mois. On touche non seulement aux jeux vidéos, mais aussi aux jeux de table et jeux de société. Le troisième dimanche du mois, on tient une soirée de jeux de société au Centre communautaire LGBTQ+. Les gens apportent leurs jeux afin de les faire découvrir aux autres et on se retrouve souvent avec une trentaine de jeux à partager. Côté jeux vidéos, une nouveauté c’est le jeu Just Dance au cabaret Mado. Puis, bien sûr, à chaque dernier mardi du mois, on a la Gaymer Zone, qui se tient au Meltdown depuis juillet.

Pourquoi cette migration du Unity vers le Meltdown, au fait?

D’emblée, on n’a plus besoin de monter et démonter à chaque soirée. Au Unity, c’était plus d’heure avant et après l’événement pour ramasser les consoles, et on devait le faire peu importe dans quel état on était en fin de soirée! Le Meltdown est déjà équipé et, en plus, a des ordinateurs. Aussi, contrairement au Unity, le Meltdown c’est comme une famille et ça paraît dans la façon qu’ils nous font nous sentir. Ils embarquent dans nos activités, comme l’événement de Just Dance sur la rue St-Denis.

Comment voyez-vous le futur pour Montréal Gaymers?

La dernière année a fait en sorte que le nom de la Gaymer Zone soit de plus en plus connu et que nos nouveaux visages ne soient plus seulement des gens qui ont été invités par moi. Ainsi l’identité de Montréal Gaymers se dissocie tranquillement de la mienne et c’était l’objectif avec la création de l’association. Et ça va me permettre de lâcher prise. Montréal Gaymers, c’est mon bébé! J’en suis encore à apprendre à bien déléguer aux autres membres du CA, alors je n’ai pas pris vraiment le temps de réfléchir à l’avenir de l’association. Maintenant, la force de Montréal Gaymers et de Gaymer Zone, c’est de s’adapter. Alors on suivra les goûts de notre clientèle et on continuera de ne pas se coincer dans des zones de confort. Du reste, ce que j’aimerais un jour voir, c’est l’association avoir un employé à temps plein. J’aimerais aussi voir Québec Gaymers, Sherbrooke Gaymers, bref, voir le concept se multiplier.

On vous revoit au défilé dimanche? À quoi doit-on s’attendre?

C’est en voiture de go-kart en carton que vous nous verrez! Tout près de nous, il y aura cinq studios (EA Motive Studios, Eidos Montréal, Ubisoft Montréal, Square Enix Montréal et WB Games Montréal) unis sous une seule bannière pour marcher dans la parade. Je trouve ça vraiment bien car ça démontre que ces studios-là sont au courant des enjeux et activités de la communauté. Ça envoie un message fort. Je pense au jeune joueur de 18-19 ans qui vient juste de faire son coming-out et qui voit tous ces studios rassemblés dans la parade, pour lui c’est un sentiment d’appartenance qui est très important. J’ai donc très hâte à dimanche!

Montréal Gaymers au défilé de la Fierté en 2017

Laisser un commentaire