On ne le voit à peu près pas dans les médias, à peine plus que le Parti de la Démocratie Chrétienne (qui a d’ailleurs changé de nom, question d’être encore moins remarqué). Et pourtant, le Parti Vert du Québec est loin de faire le tronc d’arbre durant la présente campagne. Dans Bourassa-Sauvé, c’est un jeune de 19 ans, Éric Guerra-Grenier, qui en pollinise les idées.
Politisé et articulé, il étudie au Cégep Marie-Victorin. Il allie son plaisir de la politique et de l’histoire à son ambition de devenir biologiste en intégrant des cours de chimie et de biologie dans son programme de sciences humaines.
Photo fournie par Éric Guerra-Grenier
Éric Guerra-Grenier, candidat du Parti Vert du Québec dans Bourassa-Sauvé
Qui dit étudiant de cégep politisé en 2012 dit nécessairement grève étudiante. Quelle place celle-ci a-t-elle pris dans son cheminement? « Quand ça a commencé, je n’étais pas très informé des enjeux liés à la hausse des droits de scolarité. J’étais surtout concentré dans mes études. Mais plus la campagne progressait, plus je me disais qu’il fallait faire quelque chose car cette hausse n’a pas de bon sens. J’ai donc décidé de m’impliquer à fond au sein de mon association étudiante et, à cette fin, je me suis présenté et été élu au poste de coordonnateur aux affaires pédagogiques. Évidemment, j’ai démissionné depuis afin de respecter l’interdiction pour ses membres du conseil exécutif d’être associé avec un parti politique. »
L’association étudiante de ce cégep est réputée au sein du mouvement étudiant pour son niveau de militantisme, que plusieurs jugent comparable, voire supérieur, à celui du mythique Cégep du Vieux-Montréal. Que pense-t-il d’un tel radicalisme des idées, s’il en est un? « Je n’ai jamais trouvé ce niveau comme étant trop radical. L’association a l’air radicale, on y croise beaucoup de carrés noirs, beaucoup de discours anarchistes, mais les propos qu’on y tient m’ont toujours semblé vrais. Le néolibéralisme n’a plus sa place au 21e siècle. L’association parle bien sûr des enjeux étudiants mais dans une perspective plus large, dans une perspective qui englobe l’ensemble de la société, et je trouve que cette façon d’aborder le sujet fait beaucoup de sens.
M. Guerra-Grenier habite à Saint-Léonard, une circonscription qui votera rouge. Il étudie dans Lafontaine, une autre qui votera certainement rouge. Alors pourquoi Bourassa-Sauvé, rouge depuis près de 30 ans? Les circonscriptions laissées disponibles par la présence de 66 candidats verts seulement ne l’ont pas poussé vers un endroit où le discours de gauche est plus populaire? Le cégep est officiellement hors de Montréal-Nord, mais au quotidien c’est dans sa vie qu’il s’insère. Une partie importante de ma vie s’est déroulée à Montréal-Nord, dont mon secondaire à l’école Henri-Bourassa, au sein du programme international. Mes grands-parents ont déjà habité ici, j’y ai encore plusieurs connaissances, si bien que durant toute mon adolescence, je passais mes journées à Montréal-Nord et je dormais à Saint-Léonard. Ici, c’est donc comme un deuxième chez-moi. Alors quand j’ai pris contact avec le Parti Vert du Québec, la première chose que j’ai demandé, c’est Bourassa-Sauvé. J’aime cet endroit, c’était important pour moi de m’y présenter.
Alors que d’autres petits partis ont aussi une plate-forme environnementale développée, pourquoi le Parti Vert? « Car Québec solidaire et Option Nationale sont deux partis souverainistes. Personnellement, je me qualifie pas de fervent fédéraliste, mais je ne me qualifie pas non plus de fervent souverainiste. Je suis neutre sur cette question. L’environnement, l’éducation et la santé, ce sont mes priorités. Quand je regarde la situation de l’environnement au niveau fédéral, je ne peux que constater que Stephen Harper est en train de détruire le Canada. Un Québec qui deviendrait souverain n’aurait plus aucun impact sur le processus décisionnel du Canada. Alors il est essentiel de faire contrepoids en matière d’environnement face aux politiques conservatrices en s’impliquant dans le Canada. Un Québec souverain ferait sans doute de merveilleuses choses, mais seulement dans son territoire limité. » Mais il n’a déjà aucune influence en terme d’environnement sur le reste du Canada, pourquoi s’acharner à attendre après les Albertains, par exemple, plutôt que de se débarrasser des contraintes fédérales pour faire avancer les idées localement? « L’environnement, ça n’a pas de frontière. Ce qui se passe chez eux aura automatiquement un impact ici. Le réchauffement climatique ne s’arrête pas aux douanes! Au 21e siècle, on vit dans un contexte mondial. Ce qu’il se passe en Chine, en Australie, en Italie ou en Amérique du sud a un impact ici; donc ce qu’il se passe en Alberta en a un encore plus gros, vu la proximité! »
Le Parti Vert ne souffre vraiment pas de surexposition médiatique. Les médias n’en parlent pratiquement pas. Mais à la différence d’autres partis qui vivent le même problème, même sur les médias sociaux on ne sent pas que le parti est réellement actif. En 2008 avait eu lieu une campagne conjointe entre les verts et les solidaires pour réclamer une place au débat des chefs télévisé. Cette année, le Parti Vert a raté une opportunité en ne joignant pas Option Nationale dans cette campagne. « Sur le terrain, ça ne nous nuit pas vraiment« , répond-il. On a beaucoup de contacts directs avec les gens. C’est juste dans l’exposition médiatique que ce manque d’activité se fait sentir. On a seulement 66 candidats, alors on est beaucoup moins présents que ce qu’on voudrait, et on trouve ça dommage. Mais, de tous les partis en lice, le Parti Vert est le seul qui a une plate-forme environnementale et qui n’est pas souverainiste. Pour un fédéraliste de gauche, nous sommes la seule option. Donc même sans visibilité médiatique, les gens savent qu’on existe. Alors, le jour du vote, notre électorat-cible votera pour nous. »
Une prétention au monopole qui ne durera pas. En plus de l’Union citoyenne du Québec, récemment crée mais encore très petite, le chef du Nouveau Parti Démocratique, Thomas Mulcair, a affirmé sans hésitation qu’aux prochaines élections générales dans la belle province, les militants de son parti auraient reformé sa section québécoise, le NPD-Québec. Une idée que M. Guerra-Grenier ne voit vraiment pas d’un très bon oeil. « Je pense que c’est une erreur monumentale de vouloir ajouter un autre joueur de gauche sur l’échiquier politique du Québec. Déjà, en ce moment, le vote de gauche va énormément se diviser, ce qui donnera aux Libéraux la possibilité de passer à nouveau. Si on ajoute un NPD-Québec et si on regarde les gains que le NPD fédéral a fait il y a un an, le vote de gauche sera tellement divisé qu’aucun de ses prétendants n’arrivera à gagner de sièges! Si on regarde le dernier scrutin fédéral, les Conservateurs ont obtenu une majorité parlementaire avec seulement 40% du suffrage car ils étaient le seul parti de droite, tandis que le vote de gauche s’est divisé entre le Bloc, le Parti Libéral et le NPD. Il se passera la même chose au Québec si le NPD y débarque. »
L’environnement n’est plus rentable électoralement?
Une tendance semble s’être installée dans les campagnes électorales, soit celle de taire le sujet de l’environnement. Depuis la défaite humiliante des Libéraux fédéraux sous Stéphane Dion en 2008, le mot semble s’être passé à l’effet que de parler d’environnement serait une balle dans le pied. Le Parti Vert pense-t-il être capable de ramener ce sujet à l’avant-plan des campagnes électorales futures? « L’enjeu s’imposera de lui-même. Pensons aux records de chaleur qu’on a vécu cet été et aux ainés qui sont moins résistants à la température. La hausse des coups de chaleur, c’est une souffrance directe, et elle est liée à l’environnement. Ce genre de situation fera en sorte que l’environnement s’invitera dans les prochaines campagnes électorales et s’en fera même l’enjeu principal. »
D’ailleurs, à qui la faute? Les politiciens et les médias se foutent de l’environnement parce que la population s’en fout, ou l’inverse? L’oeuf ou la poule? « Je crois qu’il s’agit surtout d’un contrôle médiatique. Ce qu’on remarque au Parti Vert lors de nos enquêtes de terrain, c’est que l’environnement est un enjeu très important pour les gens, toutes allégeances confondues. Mais dans les médias accordent leur couverture à d’autres sujets qui, même s’ils sont pertinents à couvrir, voient leur surexposition éclipser totalement d’autres thèmes comme les coupures massives dans les études environnementales occasionnées par la loi mammouth sur le budget fédéral. Cet enjeu est passé inaperçu alors que les médias auraient très bien pu en parler, s’ils l’avaient voulu. La majorité des gens s’informent uniquement via les médias de masse et ne font pas leurs propres recherches. Alors si les médias taisent le sujet, la population n’est pas informée et ne peut réclamer aux politiciens des gestes pour corriger la situation concernée. »
Le Parti Vert et Montréal-Nord
Montréal-Nord est un arrondissement très hétérogène. Mi-banlieue, mi-urbain très dense, il comprend des secteurs où le taux de chômage dépasse les 20% et où la scolarisation est très faible. Comment diminuer ce fossé? « Cette hétérogénéité est surtout présente au sein des adultes. La jeunesse, elle part avec rien, elle n’a généralement pas tracé sa destinée. Elle doit donc être la cible; elle et l’éducation. Oui, il y a énormément de décrochage à Montréal-Nord, et il est essentiel de travailler à l’éliminer. Les jeunes sont beaucoup plus tentés de poursuivre leur cheminement scolaire s’ils sont attirés par l’école et, pour ça, ce n’est pas juste les cours qui doivent être attirants mais aussi les activités parascolaires, tant culturelles, sportives qu’intellectuelles. Alors là où j’agirais en tant que députés, c’est en aidant les écoles à aller chercher un maximum de subventions pour leurs activités parascolaires.
Au Japon, au secondaire, chaque élève est obligé de faire une de ces activités et la scolarité y est exemplaire. Si on atteignait ici la participation de chaque élève à une activité parascolaire qu’il adore, on l’éliminerait, le décrochage. Il y aurait même un meilleur taux de poursuite des études au niveau post-secondaire. Ainsi, de meilleurs revenus pour la population relèveront le niveau socio-économique de Montréal-Nord et réduirait de beaucoup l’homogénéité entre les bungalows de l’ouest et les secteurs pauvres de l’est. La jeunesse doit être la cible. »
Impossible de parler de cette dualité urbaine sans parler du dossier Fredy Villanueva. Elle fut à l’origine de cette perception voulant que l’intervention controversée ait opposé de riches policiers blancs à des jeunes immigrants pauvres. M. Guerra-Grenier débutait sa troisième année du secondaire peu après l’incident, mais son jeune âge ne l’a pas empêché de s’y conscientiser, lui qui commençait d’ailleurs à s’intéresser à la politique. « Ça s’est passé en arrière de mon école secondaire. Alors dès la rentrée, moins d’un mois plus tard, on ne parlait que de ça. Je n’ai pas été témoin de l’incident, la vérité m’était donc inconnue et je trouvais injuste que seule une version des faits soit acceptée. Le gouvernement libéral accorde très peu d’importance aux milieux défavorisés, ça se sentait très bien. Je considérais déjà alors qu’il fallait une enquête beaucoup plus large que celle menée par les policiers afin qu’on comprenne ce qu’il s’était passé. »
Que pense-t-il des procédures judiciaires entreprises par la Ville de Montréal pour censurer une partie du rapport de l’enquête publique? « Du torpillage. À mes yeux, c’est ça. On accorde beaucoup trop d’immunité aux policiers. Je ne dis pas qu’ils font mal leur travail. Il ne fait jamais perdre de vue l’être humain derrière l’uniforme: le stress de certaines interventions, comme durant les manifestations, rend compréhensible que certaines bavures surviennent. Mais dans un cas comme celui de Fredy Villanueva, où deux policiers armés font face à cinq jeunes d’environ 20 ans qui n’ont que des dés, ce n’est pas le genre de bavure policière qui doit être acceptée aussi facilement. »
Les médias de masse ont parlé récemment d’un potentiel retour d’une guerre des gangs de rue dans laquelle les motards seraient aussi impliqués. « Je ne crois pas à un retour d’une guerre de gangs. Elle a toujours eu lieu, mais on la remarque plus aujourd’hui alors qu’elle se fait moins discrète. » Ça n’empêche pas que l’image de Montréal-Nord en ait encore pris un coup. Que faire pour restaurer le blason de l’arrondissement? « Pour y avoir passé beaucoup de temps, je suis convaincu que cette image est fausse. C’est une étiquette donnée par des gens qui ne vivent pas ici. Par exemple, vous et moi sommes dans ce restaurant (ndlr: là où on a fait l’entrevue), jamais je ne croirai que quelqu’un va passer la porte et nous tirer dessus sans raison. Il faut mettre l’accent sur deux choses: l’esthétique du terrain et l’éducation. Montréal-Nord est beaucoup trop gris, trop bétonné, comparativement à Saint-Léonard où la beauté de l’endroit en fait un où il fait bon vivre et où on se sent bien. C’est inconfortable. Avec plus de verdure, Montréal-Nord serait visuellement beaucoup plus attirant. Les gens en feraient aussi un lieu de choix pour voir grandir leurs enfants si ce qu’ils en entendaient était non pas la présence de gangs de rue mais plutôt des écoles réputées pour un faible taux de décrochage et des activités parascolaires généreusement financées. Ainsi l’image de Montréal-Nord devient une raison de plus pour travailler sur l’environnement et l’éducation. »
D’environnement, d’emplois et de stratégies électorales
Comment vendre le projet environnemental alors qu’il est constamment confronté à la création d’emplois? Alors que le Plan Nord vient répondre directement à la détresse des villes minières et de leur population, mais uniquement sur le plan économique, rallier cet électorat à la cause environnementale est un défi de haut niveau. Où tracer la ligne d’équilibre entre l’environnement et l’économie? « Au Parti Vert, on voit l’avenir dans les ressources naturelles et les énergies vertes. Le Plan Nord de M. Charest a l’air intéressant de loin. Mais de proche, il a plusieurs défauts. Il n’y a rien de mal à exploiter nos ressources mais ça doit être fait de façon logique et écologique. Non seulement les ressources, mais aussi les énergies vertes comme les éoliennes et la biomasse. Ce qui est nocif pour l’environnement, comme les gaz de schiste et le pétrole, ne devrait même pas être envisagé. Alors la création d’un grand nombre d’emplois est intéressante, mais seulement si elle est faite de façon viable et sécuritaire pour l’environnement. »
Il y a quatre ans, Scott McKay se faisait bouter hors du siège de chef de parti par les membres. Le principal reproche était son côté électoraliste. Le chef déchu répliquait alors qu’il fallait se faire élire pour apporter l’enjeu à l’Assemblée Nationale, argument qu’il réitéra lors de son passage au Parti Québécois. « Je comprends le choix de M. McKay. Le Parti Vert n’est qu’à 3% dans les sondages, alors je le rejoins sur le constat qu’on ne peut rien faire sans être élu. Là où je ne le rejoins pas du tout, c’est dans le choix du Parti Québécois. Ce parti a beau être mieux que le PLQ ou la CAQ, il demeure à l’aise avec l’exploitation pétrolière! Ce sont les petits partis qui défendent le mieux l’environnement, alors la seule solution est de travailler à les faire grandir. Le PQ a eu plusieurs occasions de faire des bonds en environnement et ne les a pas prises, alors ce n’est pas en abandonnant le navire pour rejoindre ce vieux parti usé qu’on fait progresser la cause. L’électoralisme est compréhensible mais n’est pas la solution. »
Pourquoi alors ne pas faire grandir les petits partis en les fusionnant? La position des verts sur la question nationale devrait sans doute y passer, mais la défense d’une plate-forme environnementale solide serait facilitée. Québec solidaire a récemment lancé un pavé dans la mare en évoquant une fusion avec Option Nationale, mais cette proximité idéologique se constate aussi entre les verts et les solidaires. Ne serait-ce pas là une façon de rallier l’électoralisme et l’environnement? « La question est intéressante car elle a déjà été d’actualité« , répond-il en évoquant l’invitation refusée par le Parti Vert de se joindre à Québec solidaire dès sa création. « On a refusé en raison de l’aspect souverainiste, bien sûr, mais aussi en raison d’autres divergences. Alors fusionner les deux programmes tels qu’ils le sont en ce moment ne serait pas viable, même si ça favoriserait les gains électoraux. »
La couverture médiatique des verts s’est à peu près résumée aux candidatures de Karolane Baillargeon, ancienne militante au carré vert, et d’Ewan Sauves, journaliste de La Presse qui a écrit sur la faiblesse du processus de sélection en se faisant lui-même candidat. M. Guerra-Grenier s’en fait-il parler sur le terrain? « Pas vraiment. Notre manque de visibilité médiatique aide un peu là-dessus, ironiquement. C’est un peu ridicule qu’une tête d’affiche des carrés verts se joigne à un parti qui prône la gratuité scolaire, mais si c’est la seule divergence et si Mme Baillargeon est à l’aise avec, je ne vois pas pourquoi elle n’aurait pas sa place. » Le chef Claude Sabourin aurait-il dû prendre sa défense publiquement? « Oui« , répond-il sans hésiter. Puis il nuance: « Mais d’un autre côté, c’est l’ensemble des candidats qui lui a demandé de la renvoyer. Il n’a fait que ce que tout chef de parti devrait faire, soit suivre la volonté de son équipe.
Pour ce qui est de Ewan Sauves, je trouve vraiment dommage qu’on s’attaque ainsi à un petit parti alors qu’il y a d’autres priorités. Ceci dit, ce qu’il a soulevé est vrai, le Parti Vert doit faire plus attention dans le choix de ses candidats et cette lacune est désormais connue. Mais est-ce vraiment grave? Le processus pour être reconnu candidat par le Directeur général des élections est long et pénible, surtout pour un petit parti. En soi, c’est un bon filtre pour éliminer ceux et celles qui ne méritent pas leur place.«
Je crois que pour un homme de 19 ans, il s’exprime impressionement! Il est clair avec ses idees, il a fait ses recherches avant de parler, et je lui ferais confiance pour me representer.
Vive Eric Guerra!!