Les primes de départ des députés font à nouveau jaser. Emmanuel Dubourg, désormais ex-député de Viau à l’Assemblée nationale et en voie d’être candidat libéral dans Bourassa, a annoncé vouloir encaisser la sienne, qui sera d’environ 100 000$. Regard sur cette pratique qui tarde à être restreinte et sur l’impact de ce cas précis sur la campagne électorale partielle à venir.
Cette prime de départ (ou, devrais-je dire pour être terminologiquement exact, l’allocation de transition) est prévue par la Loi sur les conditions de travail et le régime de retraite des membres de l’Assemblée nationale. Présentement, elle est accordée autant aux députés sortants battus ou qui terminent leur dernier mandat qu’aux députés qui démissionnent au cours d’un mandat. Ces derniers pourraient bientôt perdre ce privilège, si le projet de loi 33 du gouvernement de Pauline Marois finit par être adopté. Pour comprendre où ça bloque, je vous invite à visionner l’entrevue qu’accorde le journaliste de Radio-Canada Sébastien Bovet au ministre Bernard Drainville (à 31m 05s) et au député libéral Pierre Paradis (à 36m 50s) lors de l’édition de mardi de l’émission 24 heures en 60 minutes.
Revenons maintenant à nos moutons.
La valeur de l’allocation est établie à l’article 13 de ladite loi. Pour résumer ce dernier, un député a droit à deux mois de salaire par année complète de service plus une proportion de deux mois de salaire pour une année incomplète. L’allocation est toutefois limitée entre quatre et douze mois de salaire.
La valeur d’un mois de salaire, quant à elle, est définie à l’article suivant. On retiendra le montant le plus élevé entre:
- le douzième de la rémunération totale de la dernière année du député (ou, s’il a été en poste moins d’un an, sa rémunération totale divisée par le nombre de mois, complétés ou non);
- et le trente-sixième du total des trois années les mieux rémunérées durant ses différents mandats ininterrompus (ou, s’il a été en poste moins de trois ans sans interruption, sa rémunération totale divisée par le nombre de mois, complets ou non).
Pour cette seconde possibilité, la loi prévoit que la définition d’année de service est simplement le regroupement de 365 jours pas nécessairement consécutifs. Autrement dit, si on recherche les trois années les mieux payées, on rassemble les 365 jours les mieux payés durant les mandats admissibles pour constituer l’année la mieux payée, les 365 suivants pour la seconde année et ainsi de suite pour la troisième.
Je ne ferai pas le détail du calcul de l’allocation de transition de M. Dubourg pour le moment, ça viendra dans un ajout à ce billet. Mais pour en arriver au montant qu’il recevra, la méthode est simple. Le site web de l’Assemblée nationale détaille les fonctions qu’un député a occupées depuis son premier jour de service. Par exemple, visitons la page de M. Dubourg. Chaque fonction peut disposer d’une prime à ajouter au salaire de base de l’élu. Calculez le salaire pour chaque jour de la ligne du temps de la présence de M. Dubourg à l’Assemblée nationale, vous aurez ainsi l’information nécessaire pour mesurer financièrement le traitement mensuel qui sera considéré pour calculer l’allocation.
Le revenu et la fortune, la contribution électorale non-mesurée
J’y reviendrai plus longuement dans un prochain billet, mais peu d’analystes de la scène politique parlent de l’impact de la fortune personnelle d’un candidat ou d’une candidate sur le résultat des urnes. Une personne ne peut dépasser le maximum légal en terme de contribution financière à sa propre campagne. Mais cette limite ne regarde que les finances électorales.
Un employeur ne peut en aucun cas refuser un congé sans solde à un membre de son personnel qui se porte candidat ou planifie de le faire. Ceci dit, un mois sans salaire, ça peut faire mal. Ainsi, le candidat fortuné pourra se permettre de s’absenter du travail pour toute la durée de la campagne sans chercher le trouble avec son estomac ni avec le créancier de son hypothèque. Ce confort n’étant vraiment pas donné à tout le monde, une inégalité flagrante se fera sentir non seulement dans le nombre d’heures qu’une personne pourra investir sur le terrain pour rencontrer l’électorat, mais aussi dans la forme physique et mentale dans laquelle elle sera durant ce militantisme. Douze heures par jour relativement en pleine forme ou quatre heures par soir complètement vidé de toute énergie: que choisissez vous?
C’est ainsi que deux candidats seront nettement avantagés dans Bourassa: M. Dubourg, grâce à ces 100 000$, mais aussi Georges Laraque, candidat du Parti Vert du Canada, grâce à son salaire démesuré obtenu en testant la solidité des mâchoires et des baies vitrées.
Candidat d’un bord, député de l’autre?
Par ailleurs, invoquant ses « valeurs d’intégrité » et son refus de faire campagne alors que les contribuables québécois le paient, M. Dubourg a affirmé avoir choisi de ne pas attendre le déclenchement de l’élection partielle pour remettre sa démission. Toutefois, nonobstant la sincérité ou non de ces mots, la loi électorale canadienne ne lui aurait pas donné le choix éternellement. En effet, son article 65 alinéa C rend inéligibles « les membres de l’Assemblée législative d’une province, du Conseil des Territoires du Nord-Ouest ou de l’Assemblée législative du Yukon ou du Nunavut ». La loi électorale québécoise prévoit d’ailleurs, à l’article 235 alinéa 4, une disposition similaire envers les députés fédéraux. Même la Loi sur les élections scolaires exclut les députés des deux parlements. Seule la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités accepte les candidatures des députés aux postes de conseillers, tant et aussi longtemps qu’ils n’occupent pas de fonction ministérielle.
Reste à savoir si l’électorat serait aussi gentil que le texte législatif.
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