Manifestation au CLSC Montréal-Nord

Les piétons et automobilistes qui passaient dans l’intersection Lacordaire / Henri-Bourassa ont vu leur routine être bousculée lundi midi alors qu’avait lieu une manifestation devant le CLSC. Le syndicat du CSSS dénonçait l’implantation d’un modèle de fonctionnement conçu par la firme Proaction et ayant pour but d’améliorer la productivité des soins donnés aux patients et patientes.

Photo: Pierre-Luc Daoust

Une banderole est tenue bien en vue des automobilistes et piétons par des employé(e)s du CSSS.

Une banderole sur laquelle est écrit « CSSS Ahuntsic Montréal-Nord inc. Non merci »; des pancartes arborant des messages tels que « Écoutez nos solutions, pas celles de Proaction » ou « Tic-tac tic-tac Minutés Menottés »; les traditionnels drapeaux des différentes centrales syndicales: l’aspect visuel de l’événement était clair sur l’enjeu. Un autocollant présentant un « CLSC inc? Non merci » sur fond de carré rouge rappelant le conflit étudiant était d’ailleurs distribué aux manifestants et manifestantes. La manifestation était l’oeuvre du Syndicat interprofessionnel de Ahuntsic et Montréal-Nord (SIAM-FIQ) et fut appuyée par la présence de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) et de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS).

Photo: Pierre-Luc Daoust

Un autocollant dont la composition rappelle le carré rouge étudiant fut distribué aux participants et participantes de la manifestation.

Rencontrée par le Presse-Gertrude, Viviane Salette, présidente du SIAM-FIQ, explique que ses membres ne sont pas opposés à des changements dans leurs façons de procéder au quotidien. « Au contraire, on avait hâte de voir ce qui serait proposé pour régler les problèmes. » Mais, selon elle, le modèle proposé par la firme spécialisée dans la productivité des ressources humaines transformera le CSSS en une chaine de montage. Elle accuse Proaction et le CSSS de vouloir minuter le travail du personnel et condamne un tel fonctionnement où tous et toutes ont une tâche bien précise et ne peuvent y déroger. Mme Salette donne comme exemple une infirmière à domicile qui se déplacerait pour un soin bien défini et qui ne pourrait aider la personne pour d’autres besoin car elle devrait respecter un délai restreint. « Le fait de ne pas pouvoir aider nos patients, c’est aussi ça, l’épuisement du personnel », conclue-t-elle.

Photo: Pierre-Luc Daoust

Robert Poisson, de la FSSS-CSN

Dans un bref discours vers la fin de la courte manifestation, Robert Poisson, de la FSSS-CSN, a déploré qu’on veuille évacuer le contact humain des soins. Il accuse le modèle de Proaction d’établir que « parler au patient, ce n’est pas important ».

Interrogée par courriel, Proaction réfute cette présentation d’un fonctionnement aussi strict et inflexible. « Il est clair pour tous que le jugement des intervenants prime, à tout moment, sur le standard. Ce dernier donne les balises afin d’aider chacun à atteindre ses objectifs, mais le jugement clinique reste primordial », soutient Delphine Brodeur, vice-présidente aux communications et relations publiques de l’entreprise. Selon elle, les intervenants et intervenantes conservent toujours la possibilité de déroger à leurs tâches prévues si la personne bénéficiaire est en détresse, par exemple. La firme a déjà travaillé avec le CSSS de la Pointe-de-l’Île et ce fut, selon elle, un succès.

Proaction prône-t-elle la méthode Lean, méthode que voulait appliquer l’ex-ministre de la Santé Yves Bolduc (qui parlait alors de la méthode Toyota… jusqu’à ce que le fabricant se mette à rappeler ses voitures) à l’ensemble du système de santé? Selon le syndicat, oui. Mais la firme se défend d’avoir recours à cette école de gestion et précise que sa méthodologie touche au rôle et aux responsabilités des employé(e)s et des gestionnaires, et non pas aux coûts et délais de production et au gaspillage comme la méthode Lean. Celle-ci fait d’ailleurs l’objet de critiques, notamment pour la dégradation des conditions de travail et de la santé et sécurité au travail, mais aussi pour ses limites en terme de qualité des produits ou des services, comme l’ont ironiquement démontré les rappels de Toyota.

Mme Brodeur ajoute que des travailleurs et travailleuses du CSSS collaborent à l’élaboration des standards de fonctionnement et que le côté humain ne sera pas perdu de vue par ceux-ci. Robert Poisson, dans son discours, affirmait toutefois le contraire, soutenant que les employé(e)s impliqué(e)s étaient trié(e)s sur le volet.

La firme Proaction a été mandatée pour ce travail d’optimisation il y a moins d’une dizaine de mois et son mandat serait sur le point de se conclure. Le CSSS de Ahuntsic et Montréal-Nord aurait déboursé ainsi environ un demi-million de dollars.

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